La Chapelle Notre Dame du Lac de Nernier

Tableau de Enrico Vegetti peint au début du XXe represantant la vue de la Chapelle ND du Lac au millieu des champs.
Tableau de Enrico Vegetti peint au début du XXe represantant la vue de la Chapelle ND du Lac au millieu des champs.

Petit historique et vie de l'abbé Ferdinand Fabre

Ferdinand, Joseph, François, FAVRE est né à Nernier le 2 février 1800. Issu d'une famille de pauvres paysans, il fait ses études au collège de La Roche sur Foron, puis au Grand Séminaire de Chambéry à l'époque où cette ville était encore rattachée à la couronne de Savoie Sardaigne et occupait une importante situation dans le royaume de Savoie Piémont .

Le Grand Séminaire ayant fermé ses portes durant une année, Ferdinand Favre passe une année comme précepteur dans la famille d'Antioche résidant au Château de Nernier.

Puis, le Grand Séminaire d'Annecy ayant été créé, il y est ordonné prêtre. 
Ayant été nommé au collège de Mélan, il y reste peu de temps, et doit se faire soigner à l'hôpital de Thonon.

Trop fragile psychiquement, on jugea que pour cette raison, un poste ecclésiastique serait trop lourd pour lui, "son esprit était assailli d'idées jansénistes, il se croyait damné" lit on à son propos.
Ainsi il rentra dans sa famille à Nernier.


Vers 1820, il n'y avait encore aucune école, aussi se fit-il instituteur par amour pour son village.
Une quarantaine d'enfants de Nernier et des villages voisins répondirent à l'appel de l'abbé, cependant il n'y avait pas de bâtiments appropriés. Il eut alors l'idée de construire une école, bien qu'il ne disposait pas de moyens financiers.

Pour les remplacer, il utilisait les moment de détente entre les classes pour transporter lui-même, aidé de ses élèves, le sable du lac et des pierres, qu'on déposait à l'endroit où devait s'élever la nouvelle école .
Ce lourd travail achevé, un don de 3 000 francs du Marquis Costa de Beauregard, permis de terminer l'édifice en 1836. Ce bâtiment fut baptisé "l'Académie".


Elle existe toujours à l'entrée du village, après avoir été école laïque, mairie,  poste qui y résida jusqu'à ce qu'elle fut supprimée, c'est maintenant un bâtiment communal.

Puis ayant eu l'opportunité d'entrer au Collège Romain (à Rome) il y étudia la théologie, et reçu en récompense une médaille de vermeil.

A son retour, il devint précepteur des enfants du Marquis Léon Costa de Beauregard.

Plus tard, toujours animé du désir de convertir le Pays de Vaud, il alla retrouver un compatriote, l'abbé Vandel, curé à Nyon (VD), pour l'aider gratuitement.

Il ne pût y rester longtemps, son zèle à convertir dans le Canton, ayant incommodé les notables protestants de la ville, il dût regagner Nernier.

Aussitôt rentré, il se mît au travail pour bâtir une nouvelle école ("congrégationiste"). Il employa les mêmes moyens que la fois précédente.
Le bâtiment fut appelé "Maison St François".
En 1849, trois religieuses de Saint Joseph d'Annecy vinrent s'y installer pour enseigner "l'art du ménage" aux jeunes filles .


Ainsi en alla-t-il au fil du temps.

Avec la Loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1901, l'école des garçons devint laïque et mixte , elle continua de scolariser les enfants de Nernier jusqu'aux années 1990.

 

Quant à l'école des filles, peu avant la guerre de 1939/1945, elle fut fermée, les sœurs de St Joseph se regroupant à Annecy. Construite sur un terrain de la famille d'Antioche, châtelains de Nernier, elle devint presbytère, puis fut louée à des particuliers et vendue aux derniers occupants qui y demeurent toujours.

Le zèle inguérissable de l'abbé Favre ne s'arrêta pas là, il résolut d'élever une chapelle votive à la Vierge, sous le nom de Notre Dame du Lac.


La Chapelle fut édifiée en 1862 sur le terrain dit " la Luche du Cros", en dehors de Nernier, sur la hauteur, d'où on pouvait voir le lac et le Jura.

Il fut vendu en 1856 à l'abbé par la Commune 50 frs, car elle estimait que "l'établissement et la conservation de cette Chapelle est tout en faveur des intérêts matériels, religieux et moraux des habitants de cette Commune" ... "Cette parcelle de terre aride est en sol improductif et ne peut rendre en année moyenne la valeur des frais d'exploitation et que le prix offert de 50 frs représente bien la valeur du fond".

 

Cependant la taille de la parcelle n'était pas suffisante, l'abbé s'adressa au Comte d'Antioche pour bénéficier d'un don et du pré adjacent. Ce qui fut fait.

 

"Ma Chapelle", disait l'abbé Favre, "sera dédiée à Marie et s'appellera Notre dame du Lac" pour entre autres " la grâce de conversion pour les naufragés qui implorent ND du Lac".

 

Sa construction nécessita des moyens plus importants que les 2 écoles du village. Au départ, ce furent les hommes du village qui montèrent les pierres dans des hottes placées sur leur dos. Puis des ouvriers furent nécessaires, il fallut les payer ! Or l'abbé n'avait pas un sou !
L'abbé n'était guère riche aussi eut-il l'idée de se faire "chiffonnier" en récoltant toutes sortes de choses avec lesquelles il organisait des "bazars de charité", comme cela se faisait à l'époque.

L'abbé allait quêter à Paris, à Lyon, dans de riches familles généreuses, il rapportait tout ce qu'on lui donnait ...
A son retour, de grands bazars étaient organisés où les habitants de la région courraient s'approvisionner. Chaque année lui permettait de récolter de 1 500 à 2 000 francs, avec lesquelles il pouvait régler construction et ouvriers.


La famille vaudoise Frossard de Saugy, qu'il avait convertie au catholicisme l'y aida beaucoup par des dons importants; de même la famille Costa de Beauregard et le Comte d'Antioche.

Pour l'inauguration de La Chapelle, une magnifique fête avec une messe solennelle y fut organisée et les années suivantes on y organisa un "Triduum" grandiose où beaucoup de pèlerins accoururent.


La pensée profonde de l'abbé Favre était : " le désir de faire du bien aux âmes et de les rapprocher de la vérité catholique" , tourmenté dans sa Foi comme nous l'avons écrit, il disait que " aux âmes inquiètes qui cherchaient la lumière, il fallait la proposer avec ménagement ".  Pour lui, la conversion était " miracle de Dieu".

Notre Dame du Lac fut aussi élevée pour les bateliers en danger de mort lors des tempêtes du lac, la conversion du Pays de Vaud, le maintien de la religion catholique en Chablais. 

Un tableau à l'intérieur de l'édifice y fait référence.

L'abbé ne put assister à la consécration de la Chapelle qui réunit tout le pays. Il mourut le 3 mars 1876 et fut enterré dans la Chapelle suivant son désir.

 

La Chapelle fut ouverte au culte, par l'archiprêtre Duret de Massongy, assisté de 18 prêtres dont l'abbé Mermilliod, curé de ND de Genève.

Puis les Pères Capucins de Concise ( Thonon), y organisèrent et prêchèrent longtemps un  Triduum annuel.

En mai 1940, une néronienne de souche, Melle Marie Taponnier, fit à Notre Dame du Lac le vœu de faire dire une messe annuelle à perpétuité, avec procession, pour être protégés des périls de l'invasion et de l'évacuation.

 

Par la suite, la Chapelle connut quelques vicissitudes. Devenue propriété des sœurs de St Joseph d'Annecy, celles-ci la donnèrent à Mr de Frossard de Saugy, lequel la donna à son tour à l'abbé Ernest Costa de Beauregard. Ce dernier en fit don  en 1926 au Baron Chaulin. Pour finir, ce fut Mme Marie Véra de Leusse , sa fille, qui en 1971 en fit le don définitif à l'Association Diocésaine d'Annecy, la Communauté Paroissiale de Nernier ayant en charge son entretien.

 

A la suite de la création de l'Association ND du Lac en 1988, sous la Loi de 1901, puis recréée en 2012 aux fins de poursuivre des travaux indispensables, la Municipalité de Nernier proposa son aide pour la sauvegarde de la Chapelle, qui fut intégrée au patrimoine de la Commune, aux fins d'en faire un lieu d'animations culturelles sans pour autant renier sa vocation religieuse.